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Hitler vu par Benoist-Méchin

Jacques Benoist-Méchin (1901-1983)

Le journaliste et historien français Jacques Benoist-Méchin (1901-1983) fut Secrétaire d’Etat aux relations franco-allemandes sous le régime de Vichy. Il fit partie d’une délégation française qui rencontra Hitler à Berchtesgaden le 11 mai 1941 (le lendemain de l’envol de Rudolf Hess pour l’Angleterre, mais l’événement n’avait pas encore été rendu public). Voici ses impressions sur le Führer du IIIe Reich.

The French journalist and historian Jacques Benoist-Méchin (1901-1983) was Secretary of State for Franco-German relations under the Vichy regime. He belonged to a French delegation that met with Hitler at Berchtesgaden on May 11th, 1941 (shortly after the take-off of Rudolf Hess for England, but the event had not yet been made public). Here are his impressions of the Führer of Third Reich.

« …j’aperçus le Führer debout, au milieu de son immense salle de travail. L’amiral Darlan, M. von Ribbentrop, l’ambassadeur Abetz et l’interprète Schmidt se tenaient en demi-cercle autour de lui. Mais la seule présence d’Hitler les réduisait à l’insignifiance. J’eus l’impression que si un coup de vent balayait la pièce, il n’y resterait plus que lui. Se trouver devant un être à la fois si irréel et plus réel que les autres avait quelque chose de déconcertant. Très droit, immobile dans sa tunique feldgrau et son pantalon noir, sans autre décoration que la croix de fer de 1ère classe, les mains jointes, le regard absent, il semblait à mille lieues de ses interlocuteurs. La sensation dominante qui se dégageait de lui était un mélange indéfinissable de puissance et de solitude. C’était un homme à part, au sens le plus fort du terme. »

“. . . I saw the Führer standing, in the middle of his immense work room. Admiral Darlan, Mr. von Ribbentrop, Ambassador Abetz, and the interpreter Schmidt stood in half-circle around him. But the mere presence of Hitler reduced them to insignificance. I had the impression that if a strong gale swept the place, nothing more would remain there but him. To be before a being simultaneous so unreal and more than real than the others was somewhat disconcerting. Very straight, motionless in his field gray tunic and his black pants, without any decoration but the Iron Cross first class, hands folded, gaze absent, he seemed thousands of miles from his interlocutors. The dominant feeling that emerged from him was an indefinable mixture of power and loneliness. He was a man alone, in the strongest sense of the term.”

« Quant à ses yeux – deux yeux si fascinants que je ne vis qu’eux tout d’abord – ils étaient d’un bleu clair et transparent, légèrement striés de gris, de noir et de jaune. Ils paraissaient sans regard et comme privés de vie. Mais très vite, on était amené à réviser ce jugement. Ce qui donnait ce sentiment de vide, c’était leur fixité. On eût dit que ses prunelles, au lieu de scruter le monde, étaient tournées vers le dedans, et suivaient un spectacle qui se déroulait au fond de lui-même. Contrairement à la plupart des gens, dont le regard se pose sur vous – ou même vous transperce –, celui du Chancelier semblait vous aspirer à lui et vous entraîner lentement dans son monde intérieur. On en ressentait peu à peu une sorte d’engourdissement mental, auquel on ne pouvait se soustraire que par un effort de volonté. »

“As for his eyes—two eyes so attractive that I did not see them entirely at first—they were of a clear and transparent blue, slightly striated with gray, black, and yellow. They appeared sightless and deprived of life. But very quickly, one was led to revise this judgment. What gave this feeling of emptiness was their fixity. It had been said that his pupils, instead of scanning the world, were turned towards the inside, and followed a spectacle that unfolded in the depths of his self. Contrary to the majority of people, whose glance rests upon you—or even goes through you—that of the Chancellor seemed to draw you in and slowly involve you in his interior world. From it one felt, little by little, a kind of mental numbness, from which one could withdraw oneself only by an effort of will.”

« Je compris alors que la force qui émanait de lui n’était pas d’ordre musculaire… mais d’ordre psychique et nerveux. Il m’apparaissait comme un formidable accumulateur d’énergie, une dynamo génératrice d’un courant à haute tension qui jaillissait parfois de lui, par décharges brusques et foudroyantes.

« Tout cela créait autour de lui une zone de danger que l’on hésitait à franchir et qui accroissait son isolement. Les uns disaient de lui qu’il était un surhomme, les autres, un démon. A vrai dire ces mots, appliqués à lui, n’avaient aucun sens. Par certains cotés, il était si banal qu’on ne l’aurait pas distingué des autres si on l’avait croisé dans la rue. Mais au sommet d’une tribune, encadré par le feu des projecteurs, et porté par un ouragan d’acclamations, il devenait un être inspiré, sans commune mesure avec le reste de ses semblables. (…) il s’identifiait totalement à ce qu’il disait ou faisait. La foule le sentait instinctivement et c’est pourquoi elle lui apportait son adhésion enthousiaste. Quand il était en proie à son inspiration et que ‘le courant passait’, il devenait irrésistible.

« On disait qu’il était fanatique. Mais comment ne l’eût-il pas été ? Cela faisait partie de sa nature. Autant reprocher à un volcan de cracher le feu. Totalement inconscient de ce qui le différenciait des autres, il donnait l’impression d’être possédé par une force qui agissait à travers lui pour des fins qui lui échappaient et qui, lorsqu’elle atteignait un trop grand degré d’intensité, se traduisait par une expression d’accablement.»

“I understood then that the force that emanated from him was not of a muscular . . . but of a psychic and nervous nature. He seemed to me a fantastic accumulator of energy, a generating dynamo of high voltage current that sometimes burst forth from him, in abrupt and violent discharges.

“All that created a danger zone around him that one hesitated to cross and that increased his isolation. Some called him a superman, others a demon. To tell the truth, these words, applied to him, had no meaning. In some ways, he was so banal that one would not have distinguished him from anyone else if one passed him in the street. But at the top of a tribune, framed by the fire of the floodlights, and carried by a hurricane of applause, he became an inspired being, without common measure with the rest of his kind. . . . he identified completely with what he said and did. The crowd felt this instinctively, and this is why he secured its enthusiastic support. When he was in the grip of his inspiration and ‘the current passed’, he became irresistible.

“It was said that he was fanatic. But how could he not have been? That belonged to his nature. One might as well reproach a volcano for spitting fire. Completely unconscious of what differentiated him from the others, he gave the impression of being possessed by a force that acted through him for ends that escaped him and that, when it reached too great a degree of intensity, resulted in an expression that was overwehlming.”

En fait Benoist-Méchin est fasciné par Hitler mais il lui reproche de rester enfermé dans une vision purement pangermaniste – il a le sentiment que le Führer ne peut pas s’élever à une vision véritablement européenne. A un autre endroit dans le même texte, il dit que Hitler semble incapable de négocier et de faire des concessions aux Français ; il souligne que Hitler semble tout voir du point de vue du Grand Reich allemand et non d’un point de vue paneuropéen.

In fact Benoist-Méchin was fascinated by Hitler but reproached him for locking himself into a purely pan-Germanist vision. He felt that the Führer could not rise to a genuinely European vision; in another place in the same text, he says that Hitler seems unable to negotiate and to make concessions to the French; he stresses that Hitler seems to see everything from the point of view of the German Great Reich and not from a pan-European point of view.

« Parviendrait-il à dépasser son rôle de César germanique pour s’élever à celui de fédérateur de l’Europe ? A voir la façon dont il s’y prenait, il était permis d’en douter. »

“Would he manage to exceed his role of Germanic Ceasar to rise to that of federator of Europe? Seeing the way he assumed the role, there was reason for doubt.”

« Hitler comprendrait-il qu’il ne défendait pas seulement le Reich, mais le continent tout entier… ? »

“Would Hitler understand that he did not defend only the Reich, but the entire continent . . . ?”

—Jacques Benoist-Méchin, A l’épreuve du temps, tome 2 (Paris : Julliard, 1989)
[In the Crucible of Time, vol. 2]

En 1933, l’écrivain français le voyait ainsi. /  In 1933, Benoist-Méchin saw Hitler as follows:

« [Hitler est] Non point un politicien de rencontre, mais un tribun forcené qui s’est hissé au sommet du pouvoir et dont la moindre apparition fait délirer les foules allemandes. »

“[Hitler is] no mere politician, but a frenzied tribune who rose to the summit of power and whose least appearance makes the German crowd delirious.”

A l’épreuve du temps, tome 1

En 1936, il décrivait les réalisations sociales du IIIe Reich  /  In 1936, he described the social achievements of Third Reich:

« …on ne voit partout que visages épanouis et corps harmonieux. On a écrit de la jeunesse allemande qui défile dans les stades et sur les routes qu’elle était ‘la plus belle que le monde ait jamais vue’. Ce n’est pas excessif : elle paraît née des épousailles de la Grèce et de la Germanie. (…)

« Ce redressement spectaculaire a quelque chose de confondant pour qui a connu l’Allemagne au temps de la République de Weimar. (…) Aujourd’hui, le chômage a pratiquement disparu. La lutte des classes a été subordonnée à l’intérêt général. Les autoroutes qui s’allongent, l’inflation jugulée, la monnaie stabilisée, les usines tournant à plein, les cités ouvrières jaillissant de toutes parts, et quelles cités ! des dizaines de milliers de petits pavillons individuels nichés parmi la verdure – tout cela représente un effort gigantesque. »

“. . . everywhere one sees only beaming faces and harmonious bodies. Someone wrote of the German youth that marches in the stadiums and on the roads that it was ‘most beautiful that the world had ever seen’. It is not excessive: it seems born of a wedding of Greece and Germany. . . .

“This spectacular rectification is somewhat confusing to those who knew Germany at the time of the Weimar Republic. . . . Today, unemployment has practically disappeared. Class struggle has been subordinated to the general interest. The highways grow longer, inflation is suppressed, the currency is stabilized, factories are working at full capacity, housing for workers is sprouting up everywhere, and what housing! Tens of thousands of small individual pavillons nested among the greenery—all that represents a gigantic effort.”

A l’épreuve du temps, tome 1